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30/08/2011

L'Irlande, un laboratoire pour le FMI

Ce qui se joue actuellement en Irlande nous concerne tous. Les injonctions de la "Troïka" –FMI, Union européenne, Banque centrale européenne- défendent sans concession les intérêts des actionnaires et tentent d'imposer partout les mêmes recettes, véritables attaques frontales contre les travailleurs. Un de leurs objectifs majeurs est de briser les mécanismes qui protègent (relativement) les salaires contre l'inflation. Actuellement la "Troïka" veut faire de l'Irlande un laboratoire  pour l'application de ses plans contre le niveau de vie des populations.


Le piège de la dette irlandaise se met en place

La Troïka n'a plus de difficulté à faire plier les gouvernements quand la dette publique a mis les gouvernements aux abois.

La dette publique irlandaise a été considérablement alourdie par le sauvetage de ses banques. En 2008, l'Etat irlandais avait déjà injecté 48 milliards d'euros, mais cela n'a pas suffi : 24 milliards de rallonge sont à nouveau nécessaire pour refinancer les banques d'ici 2013. La facture totale, soit 70 milliards d'euros, représente 45% du produit intérieur brut de l'Irlande[1]. Le déficit de l'Etat explose !

Après négociations avec la Troïka, un prêt international de 85 milliards d'euros est accordé à l'Irlande. Le taux d'intérêt de ce prêt, particulièrement élevé est jugé "punitif", car l'Irlande ne veut pas remettre en cause la fiscalité "allégée" qu'elle propose aux entreprises.

Mais sans le prêt international géré par le FMI, l'Irlande devrait financer son déficit sur les marchés financiers à des taux encore plus prohibitifs. La Troïka, par l'engagement successif des tranches du prêt, a un moyen de chantage sur le gouvernement irlandais, et elle ne se prive pas de l'utiliser.

 

Le gouvernement irlandais aux ordres

Les exigences de la Troïka reflètent fidèlement les exigences du grand capital et visent à accroître l'exploitation des travailleurs.

Concernant le coût du sauvetage des banques, le plan conclu avec le FMI et l'Union européenne prévoit que l'Irlande devra puiser dans le Fonds national de réserve des retraites pour payer une partie la facture.

Le budget de l'Etat doit être "assaini", dans l'objectif totalement irréaliste de ramener le déficit, de 34% du PIB en 2010, en dessous de la barre de 3% du PIB en 2015. Les bailleurs de fonds ont exigé qu'aucune dépense publique supplémentaire ne soit engagée.

Le gouvernement précédent avait fait le pari du retour de la croissance à travers l'attractivité fiscale et les exportations, le tout accompagné d'une politique d'austérité destinée à redresser les finances publiques. Deux ans après, fin 2010, les finances sont toujours dans un état catastrophique, le pays est en récession et le taux de chômage atteint 14%.

Appelé aux urnes en février 2011, les irlandais ont sanctionné le parti au pouvoir, amenant aux commandes une majorité de centristes et de travaillistes. Ceux-ci se sont fait élire sur la promesse d'un changement de politique.

Mais la Troïka ne leur laisse aucune marge de manœuvre pour expérimenter un projet différent. Refus de baisser le taux d'intérêt sur les prêts accordés, refus que le gouvernement irlandais demande aux créanciers privés de prendre à leur compte une partie des dettes du secteur bancaire, refus d'assouplir les règles de restrictions budgétaires : c'est aux citoyens irlandais de payer la note. Ceux-ci subiront à la fois la baisse des salaires et celle des allocations sociales. Les coupes sombres dans le budget réduisent le nombre de fonctionnaires et tous les services publics se détériorent

On supprime les auxiliaires de vie scolaire pour les enfants handicapés dans les écoles (il en subsiste 227 sur 10.800), on supprime des services dans les hôpitaux (comme les accueils d'urgence) qui ne peuvent plus fonctionner normalement compte tenu de la fonte des effectifs.

Mais les injonctions de la Troïka ne s'arrêtent pas là.  Elles visent également à dynamiter les mécanismes de fixation des salaires, qui protègent notamment les travailleurs dans les branches où les rémunérations sont les plus basses, comme la restauration, l'hôtellerie, le nettoyage…

 

Les garanties salariales remises en cause

Le système des "Joint Labour Committee", institué depuis 1946, régissait le dialogue social  dans un certain nombre de branches. Les "Joint Labour Comittee" sont des commissions paritaires, avec un représentant de l'État, qui fixe la grille des salaires minimum applicable dans la branche. Ces accords sont ensuite homologués et s'appliquent à toutes les entreprises de la branche.

La remise en cause de ce système de garantie collective est dans les cartons du gouvernement depuis longtemps, mais celui-ci s'est heurté, sans surprise, à l'hostilité des syndicats.

L'organisation patronale de de la restauration rapide a lancé une procédure à l'encontre du système du "Joint Labour Comittee". La Haute Cour irlandaise lui a donné raison le 7 juillet en le déclarant non conforme à la constitution. Cette décision vient à point nommé pour le gouvernement, qui, après un semblant de concertation et quelques retouches à son plan initial, vient de déposer un projet de loi. Son argumentaire est simpliste : la réforme n'affectera pas les travailleurs, ceux qui ont déjà un emploi garderont leurs avantages ; par contre, en introduisant plus de "flexibilité", moins de coûts pour les employeurs, ceux-ci pourront procéder à de nouvelles embauches. Tout le monde serait gagnant ! Il est donc important d'introduire une réforme radicale et de l'appliquer au plus tôt.

Le ministre du travail reconnaît que  les représentant de la "Troïka" ont été consultés, et que leurs avis ont été pris en compte, "au même titre que ceux des autres", selon ses déclarations.

Dans le projet qui doit être soumis à la prochaine session du parlement irlandais,  le nombre de ces commissions paritaires serait réduit de moitié, mais surtout leurs prérogatives seraient tellement limitées et corsetées qu'elles en seraient vidées de tout contenu. Elles ne pourraient plus fixer que deux niveaux de salaire (au lieu de 300 précédemment) et n'auraient pas à se prononcer sur la majoration du dimanche. Pour le ministre ce travail du dimanche doit être reconnu, …et faire l'objet d'un "code de bonnes pratiques". La fixation du salaire devrait tenir compte de facteurs tels le taux  de chômage, la compétitivité, la tendance des salaires en local et chez les principaux partenaires commerciaux. Par ailleurs, un  employeur pourrait  s'affranchir  de l'obligation de respecter le taux fixé s'il justifiait de son incapacité à le payer.

Globalement, les syndicats dénoncent ce projet du gouvernement et le qualifient de "permis d'exploiter". Le secrétaire général d'ICTU, un des principaux syndicats du pays, a déclaré que lorsqu'il s'agissait de faire des réformes pour échapper à la crise, celles-ci pesaient toujours sur les personnes modestes2 :

"C'est pourquoi nous tenons tant à ces commissions paritaires. Ce sont les gens modestes qui sont touchés. Je sais parfaitement que vous n'êtes pas un acteur libre à ce sujet. Vous devez réferer à la Troïka de la façon dont vous le gérez. Nous avons déjà rencontré la Troïka plusieurs fois. La Troïka veut faire de l'Irlande son laboratoire, en quelque sorte y expérimenter leur politique de marché du travail pour l'exporter ensuite  ailleurs sans difficulté."

Il a ajouté qu'aucun argument d'ordre économique ou fiscal ne pouvait justifier qu'on s'en prenne aux revenus des salariés. Les études menées sur la question par différents organismes concluent toutes que la réduction des bas salaires ne créent pas un seul emploi.

ICTU a déposé une plainte –la première concernant l'Irlande depuis 25 ans- auprès de l'Organisation internationale du travail.

Du côté des organisations patronales, on ne comprend pas pourquoi on n'a pas purement et simplement supprimé ce système "archaïque" de négociations collectives ainsi que toute référence à une majoration pour travail du dimanche.

Ce projet de loi fait débat au sein même du gouvernement, en particulier pour les ministres travaillistes, tout de même un peu gênés aux entournures. La ministre de la Protection sociale s'inquiète des hausses possibles des allocations sociales liées à la baisse des salaires qu'induiraient la mise en œuvre de ce projet de loi : les limites de son  budget ne lui permettraient pas d'y répondre.



[1] Chronique internationale de l'IRES N°131 juillet 2011



2 Réponse de David Begg à une intervention du premier ministre lors de la conférence biennale d'ICTU,  4 juillet 2011

 

23:22 Publié dans luttes | Lien permanent | Commentaires (0)

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